vendredi 9 avril 2010

Je te drague... moi non plus

On ne s'étonne plus qu'il y ait autant de célibataires autour de nous. Que s'est-il passé? Avons-nous perdu les règles du jeu de la séduction?

Séduire quelqu'un en 2010 semble presque relever du miracle!
Je me souviens du début des années 80, une époque pas si lointaine où cafés et bars étaient encore des lieux de rencontre effervescents.

Depuis, l'atmosphère a bien changé... et l'inertie s'est installée. «De nos jours, les femmes considèrent souvent la drague comme un manque de respect. Et les gars, eux, ont arrêté de flirter par peur du rejet», on n'ira pas loin avec ce genre d'attitude-là!, croit Emmanuelle Gril cosignataire avec Jean-Sébastien Marsan, du percutant essai Les Québécois ne veulent plus draguer et encore moins séduire (Les Éditions de l'Homme).

Aurions-nous évacué les plaisirs du flirt au point de devoir aujourd'hui réapprendre ce que les générations précédentes savaient d'instinct? Même les insectes sont champions là-dedans! Et les femmes de 40 ans et plus - en quête ou non d'un partenaire -, comment traversent-elles ce creux de la vague

Louise, une belle blonde de 49 ans à l'allure sportive, a vécu une rupture difficile après 10 années de vie conjugale. Depuis, elle fait de gros efforts pour se remettre en mode séduction. «J'ai même suivi des cours d'écoute active! s'exclame-t-elle. Malgré tout, quand un homme me drague, ses signaux sont souvent si faibles que je n'arrive pas à les décoder, moi qui ai pourtant déjà été chasseuse de têtes!»

Lorsqu'on retourne «sur le marché » de la drague après 40 ans, on a un peu oublié l'art de séduire, souvent associé à l'insouciance de la prime jeunesse. À l'âge mûr, on porte le poids de ses blessures. Et puis, le contexte n'est plus le même. La prolifération des réseaux de rencontres - que beaucoup d'hommes voient comme un champ de conquêtes potentielles quasi infini - a changé la donne dans le domaine de la séduction.

Bien des éléments expliquent que la drague et le flirt se retrouvent actuellement au point mort, note Michel Dorais.

Autre frein aux rapprochements...
La fameuse «liste d'épicerie» où hommes et femmes déclinent leurs 50 critères et exigences pour un match parfait. D'échange ludique et agréable, le flirt se transforme alors en vrai parcours du combattant.

«Les femmes, tout comme les hommes d'ailleurs, sont devenus très difficiles, ajoute le sociologue. Chacun arrive avec ses attentes de corps idéal, de jeunesse réelle ou apparente. C'est oublier que de nombreux séducteurs notoires - on n'a qu'à penser à René Lévesque, par exemple - n'étaient pas forcément des apollons.»

Pour Élise Bourque, la liste des exigences en question aura beau être cochée de haut en bas, elle ne servira à rien si l'attirance physique n'est pas au rendez-vous. Inversement, la petite flamme s'éteindra vite si l'élu ne correspond à aucun des critères énoncés.

Après avoir connu trois ruptures successives, Alexia, 57 ans, peut en témoigner: «Chaque fois, c'est moi qui suis partie. J'ai une forte libido, et quand l'attraction sexuelle disparaît, je le supporte mal.» Aujourd'hui libre comme l'air, elle a choisi de vivre son célibat en s'éclatant chaque fin de semaine sur les pistes de danse. «J'adore le disco, avoue-t-elle. Et même si je n'ai encore rencontré personne ces soirs-là, je me serai au moins fait plaisir!»

On pourrait supposer que, dans un endroit aussi propice aux rencontres, les jeux de séduction sont monnaie courante. Or, Alexia n'est pas de cet avis: «De nature fonceuse, je n'hésite pas à faire des travaux d'approche quand un homme me plaît. Mais souvent, même s'il est seul au bar, le gars n'a aucune réaction. Ou alors je tombe sur quelqu'un qui veut aller trop vite, qui me caresse les cheveux et me prend la main tout de suite. Minute! Même pour une femme comme moi, pressée de savoir si ça va cliquer sexuellement, il y a des limites à brûler les étapes!»

Parfois, il faut réveiller la bête en nous...
Dynamiques et proactives, Alexia et Louise - qui a pris le taureau par les cornes en fondant un site de rencontres (cercleclubprive.com) restent néanmoins consternées par l'inertie des mâles.

«On s'est rencontrés en promenant nos chiens au parc canin - un excellent endroit pour amorcer un flirt, soit dit en passant. On a d'abord été amis, car je le trouvais trop jeune: Joël a 14 ans de moins que moi. Mais il était aussi généreux... tout le contraire de mon ex! Un jour où je suis arrivée au parc avec ma robe d'été blanche, il m'a dit que j'étais belle. Surprenant, de la part d'un homme si timide!»

Dès lors, la bouillonnante Hélène lance à fond sa campagne de séduction. Elle procède étape par étape: cinéma, restaurant, puis soirées de discussion et d'audition de musique. «Du rap, histoire de lui montrer que je n'avais pas des goûts de "vieille fille"! Je brûlais de l'embrasser, mais je me suis retenue, pressentant que ce n'était pas encore le moment. Joël n'est pas le genre de gars qu'on brusque.»

Pour lui faire la cour, elle multiplie les promenades au bord de l'eau, dans des coins romantiques. Et Joël se décide enfin: «En septembre dernier, il m'a dit que, cette année, je ne passerais pas Noël toute seule. À partir de ce moment-là, j'ai su que ça y était, qu'on était "ensemble". Voilà l'histoire de ma drague. Moi, je la trouve belle. Pas vous?»

Qu'est-ce qu'on attend pour mettre en pratique les rudiments de la drague? Il suffit pourtant de...

•Prendre son temps Si le speed flirting n'a pas encore été inventé, c'est qu'il n'a pas vraiment de chance de fonctionner.


•Sourire et chercher le regard de l'autre avec assurance «La séduction, ce n'est pas ce qu'on a, mais ce que les autres pensent qu'on a», dit le sociologue Michel Dorais en paraphrasant Sophia Loren.


•Retrouver sa spontanéité «À 25 ans, on se protégeait moins sur le plan amoureux, se souvient Marie, une jeune quadragénaire. On ne se posait pas 50 questions, on se créait moins de barrières.»


•Mettre sa «liste d'épicerie» au rancart et laisser la vie nous étonner.


•Briser le jeûne sentimental... et sexuel «On devrait se faire plaisir plus souvent, ajoute Marie, sans toujours se demander si la relation pourra se poursuivre à long terme. Que le mâle en question soit jeune ou vieux, maigre, chauve ou bedonnant, peu importe s'il nous attire physiquement. On lâche un peu de lest côté rationnel pour renouer avec nos appétits charnels.»


•Cultiver un jardin secret «Il faut préserver une part de mystère en soi, estime Michel Dorais. Et une femme devrait donner chaque matin l'impression qu'elle n'est pas tout à fait conquise, car le désir masculin a besoin de défis!»


•Éviter d'envoyer paître un candidat qui tente sa chance. Il lui a fallu un certain courage pour oser une manoeuvre d'appproche. Inutile d'être brusque pour lui faire comprendre qu'on préfère rester dans notre bulle.
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La version longue de cet article a été publiée dans le numéro de Février-mars 2010 du magazine Vita.

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